Rallumer le phare

Liberté académique

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Pourquoi la liberté académique est essentielle

La liberté académique est au cœur de la mission universitaire. Elle permet aux professeures et aux professeurs — ainsi qu’à toutes les personnes qui contribuent à la mission universitaire — d’enseigner, de chercher, de débattre et de critiquer sans contrainte doctrinale, idéologique ou politique. Concrètement, elle garantit que les connaissances peuvent être transmises, discutées et transformées dans une quête rigoureuse de la vérité, sans peur de représailles ou de censure.

Mais la liberté académique n’est pas un privilège individuel. C’est une nécessité collective. Elle assure que l’université, comme bien commun, puisse jouer pleinement son rôle dans la société. C’est grâce à elle que les débats difficiles peuvent avoir lieu, que les découvertes dérangeantes peuvent être publiées et que la critique des pouvoirs établis peut éclairer le public.

Dans les démocraties modernes, la liberté académique va de pair avec la vitalité de la vie collective. Là où elle est menacée, c’est non seulement l’indépendance des chercheur·euses qui est compromise, mais aussi la capacité de la société à progresser, à innover et à défendre le bien commun. La protéger, c’est protéger notre droit collectif à un savoir libre, diversifié et utile à toutes et tous.

Une liberté menacée ici comme ailleurs

La liberté académique n’est jamais acquise. Elle se gagne — et se préserve — à travers des luttes difficiles, toujours à refaire. Partout dans le monde, elle se trouve d’ailleurs fragilisée par des pressions politiques, économiques et idéologiques. Dans plusieurs pays non démocratiques, des chercheur·euses sont arrêtés, emprisonnés, voire assassinés pour avoir abordé des sujets jugés dérangeants. Dans les démocraties dites libérales, les attaques prennent une autre forme : campagnes de dénigrement, menaces de censure, ingérences politiques ou pressions financières qui poussent à l’autocensure et affaiblissent l’indépendance des institutions. Les sciences humaines, sociales et de l’environnement sont particulièrement ciblées, car elles mettent souvent au jour des enjeux qui dérangent des pouvoirs établis.

Le Québec n’échappe pas à ces tensions. Bien que la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire reconnaisse désormais ce droit, son exercice demeure fragile à plusieurs égards. Des ingérences politiques au sein d’institutions d’enseignement supérieur ont assombri les dernières années. On invoque encore le devoir de loyauté, inscrit dans le droit du travail, pour limiter la critique des professeur·es envers leur propre université, créant un climat d’incertitude face à ce qui peut ou non être dit. Également, certaines controverses publiques ont révélé la tentation d’invoquer la civilité ou l’image institutionnelle pour restreindre la parole critique ou celle qui dérange. Résultat : un risque réel d’autocensure qui mine la capacité des universités de remplir leur mission fondamentale.

La liberté académique est donc à défendre partout et toujours. Car dès qu’elle recule, ce sont la recherche de la vérité, l’innovation et la démocratie elle-même qui reculent à leur tour.

Pourquoi cela nous concerne-t-il toutes et tous ?

La liberté académique n’est pas un enjeu réservé aux professeures et professeurs : elle concerne l’ensemble de la société. Lorsqu’elle est affaiblie, ce sont les connaissances disponibles pour éclairer nos choix collectifs qui s’appauvrissent. Sans chercheurs et chercheuses libres, il y a moins d’exploration, moins d’innovation et moins de débats possibles.

Le constat mondial est préoccupant. Selon l’Academic Freedom Index, 34 pays ont vu leurs libertés académiques décliner au cours de la dernière décennie, y compris des démocraties comme la Finlande, le Royaume-Uni ou les États-Unis. Dans plusieurs États, des gouvernements populistes ou autoritaires cherchent à contrôler les campus, censurer certains champs de recherche — comme les études de genre ou celles sur le climat — et sanctionner les voix critiques. Or, l’université n’a pas pour mission de plaire : elle a pour mission de chercher et dire le vrai, de faire avancer le savoir, même quand cela dérange.

C’est pourquoi défendre la liberté académique, c’est défendre un droit collectif : celui d’avoir accès à des savoirs critiques, diversifiés et indépendants, capables de nourrir les choix démocratiques, d’anticiper les crises et d’imaginer des solutions nouvelles pour l’avenir.

Nos propositions pour rallumer le phare

La liberté académique ne se défend pas seulement en paroles : elle exige des mesures concrètes. Pour qu’elle soit pleinement exercée, protégée et comprise, il est urgent de :

  • Garantir l’autonomie institutionnelle et la collégialité comme conditions nécessaires au plein exercice de la liberté académique, à l’abri des ingérences politiques et des pressions externes.
  • Former les membres des comités institutionnels sur la liberté académique, de manière qu’ils puissent réaliser au mieux leur mission de protection et de promotion de la liberté académique au sein des universités québécoises.
  • Assurer et étendre des protections légales et institutionnelles contre les représailles, afin que toutes les personnes chargées d’enseignement et de recherche — y compris en situation de précarité — puissent contribuer pleinement à la mission universitaire.

Former et sensibiliser la société civile à son importance, car défendre la liberté académique, c’est défendre le droit de toutes et tous à un savoir critique, indépendant et éclairant pour l’avenir.