Rallumer le phare : pour une restauration de la mission fondamentale des universités
Nous déclarons l’état d’urgence à l’université.
Dans un monde brouillé par la peur, le cynisme et la polarisation, l’université vacille. Sa capacité à remplir sa mission fondamentale et à agir comme pilier de la démocratie est de plus en plus clairement menacée. Sommée de plaire ou de se taire, trop souvent réduite à ses fonctions économiques, on la force de toutes parts à renoncer à ce qui pourtant fonde sa mission : penser contre l’évidence, chercher librement, transmettre sans peur.
Au Québec comme ailleurs, les vents qui la menacent se lèvent : désinvestissements chroniques, soumission de la recherche et de la formation aux impératifs du marché, reculs inquiétants de la liberté académique. Chaque jour, on choisit d’étouffer et de museler davantage dans ce lieu qui, historiquement, a toujours éclairé notre réflexion collective.
Mais nous refusons de nous résigner à ce nouveau régime de noirceur.
L’université n’est pas une entreprise.
L’université n’est pas la main servile d’intérêts partisans ou idéologiques.
L’université n’est pas un espace de pensée unique.
L’université est un phare.
Elle est et doit demeurer un repère collectif dans les pires tempêtes intellectuelles et démocratiques.
Une lueur pour celles et ceux qui cherchent du sens, de la rigueur, du débat.
Et un lieu sûr pour imaginer de nouveaux possibles.
Aujourd’hui, à l’encontre des brouillards et des dérives, nous appelons à rallumer ce phare et à lutter contre toutes les forces qui cherchent à l’éteindre.
Un sabotage silencieux
Nous ne sommes pas dupes. Les belles paroles ne parviennent pas à dissimuler des attaques de plus en plus féroces contre les fondements mêmes de nos lieux de savoir.
Au nom de la rentabilité, on asphyxie le financement public.
Au nom de la logique managériale, on démantèle la collégialité.
Au nom de la bienséance, on censure les voix critiques.
Partout, les décisions budgétaires deviennent des outils de chantage, les pressions idéologiques s’intensifient, les intrusions du politique prolifèrent.
On ne dialogue plus : on impose et contraint.
On ne gouverne plus avec : on gouverne contre.
Et les communautés qui font l’université sont astreintes à se soumettre à ces exigences ou de se taire.
La liberté académique, pourtant reconnue comme pilier fondamental de l’avancement des connaissances à travers le monde, recule.
Chercher avec audace devient téméraire.
Transmettre avec conviction, suspect.
Prendre la parole sans autocensure, risqué.
Dans ces circonstances, les professeures et les professeurs d’université sont sommé·es de rentrer dans le rang, les universités sont contraintes de se vendre, les savoirs doivent se plier aux idéologies et aux modes du moment.
Nous assistons au sabotage silencieux d’un de nos biens communs les plus précieux : l’université comme refuge d’une pensée libre et émancipatrice, où il est possible de penser autrement, d’explorer des idées nouvelles et de débattre.
Rallumer le feu
Nous sommes professeur·es, chercheur·euses, étudiant·es, citoyen·nes.
Nous venons de toutes les disciplines, de toutes les régions, de toutes les générations. Et nous partageons une conviction inaltérable.
L’université est et doit demeurer un phare.
Nous refusons de laisser les autorités politiques et économiques transformer les savoirs en marchandises, les campus en marques, les professeur·es en prestataires. Nous refusons que la peur, la complaisance ou la résignation dictent désormais les règles du jeu.
À celles et ceux qui doutent encore, nous disons : vous n’êtes pas seul·es.
À celles et ceux qui n’osent plus parler, nous disons : votre voix compte.
À celles et ceux qui ont renoncé à espérer, nous disons : reprenons ensemble le flambeau et agissons pour que l’université redevienne et demeure ce lieu dont nous avons plus que jamais besoin aujourd’hui.
Un phare n’éclaire jamais que par la force du feu qu’on y entretient collectivement. Et ce feu-là, c’est notre engagement commun envers une mission plus vaste que nous. Une mission qui mérite qu’on la défende avec lucidité, courage et solidarité.
Rebâtir l’université comme bien commun
Ayons l’audace d’imaginer un avenir où l’université reprend sa place au cœur de la société.
Ayons l’audace d’imaginer une université accessible, portée par la collégialité, nourrie par la diversité des voix, et ancrée dans la recherche du bien commun et de la justice sociale.
Une université publique et libre, financée à la hauteur de sa mission, libérée des logiques de concurrence, capable d’accueillir les incertitudes, de faire vivre les désaccords, et d’imaginer des futurs moins moroses.
Donnons à l’université le courage de déranger et le souffle de résister.
Ensemble, professeur·es, chercheur·euses, étudiant·es, citoyen·nes, redevenons les phares vivants de la démocratie. Luttons pour une société qui refuse l’appauvrissement intellectuel et l’abdication devant le court-termisme.
Une université à défendre. Cinq engagements pour la faire briller.
À ce titre, nous exigeons :
- Un réinvestissement massif et durable dans l’université comme bien public.
Parce que sans financement public, l’université cesse d’être un levier collectif pour devenir celui des plus fortunés. - La protection intégrale de la liberté académique.
Parce que sans financement public, l’université cesse d’être un levier collectif pour devenir celui des plus fortunés. - Une gouvernance collégiale authentique.
Parce qu’on ne peut défendre la mission d’intérêt public des universités si l’on met ses principaux acteurs de côté. - Des mesures concrètes pour assurer l’autonomie institutionnelle.
Parce qu’une université soumise à des dictats qui lui sont étrangers ne peut ni déranger, ni éclairer, ni transformer le monde. - Un front commun des universités contre la marchandisation du savoir.
Parce que ce qui éclaire l’avenir ne devrait jamais être vendu au plus offrant.
Notre lutte n’est pas celle d’un groupe isolé. C’est la lutte de toutes celles et de tous ceux qui refusent que la suite de notre histoire s’écrive dans le brouillard de la désinformation et des demi-vérités.
À vous qui enseignez, qui étudiez, qui cherchez, qui doutez, qui rêvez demain : ce phare ne brillera que si nous le rallumons ensemble.
Engageons-nous collectivement à défendre la mission d’intérêt public de nos universités.
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